« Veillez donc, … votre Seigneur vient. » Mt 24, 47
Homélie pour le 1° dimanche de l’Avent
Frère Jean-Dominique Dubois, ofm
Sommes-nous des veilleurs ? Sur quoi veillons-nous ? Y-a-t-il une attente profonde qui oriente et motive toute notre vie ? Ou bien sommes-nous simplement occupés à nos activités en attendant que le temps passe nous apportant simplement la consolation des biens, parfois durement gagnés, ou rapidement mis à notre disposition par une société de super-consommation ? Ne tuons nous pas trop souvent le temps avant que le temps ne nous tue ? Ne jouissons-nous pas plutôt que de chercher la vraie joie ? N’espère-t-on pas avant toute chose la santé et la réussite professionnelle ou ce qui satisfera nos passions et nos désirs ? Très concrètement combien de temps allons-nous passer dans les magasins avant Noël par rapport au temps où nous irons adorer Jésus à l’Église dans le plus grand silence ?
Si demain nous apprenions qu’un personnage important s’apprête à visiter notre village, le pape ou une personnalité politique de haut rang, tous les corps de métier se mettraient en branle pour préparer la venue de l’illustre visiteur. L’ouvrier continuerait de travailler à son atelier, le jardinier à son jardin et le boulanger à son four. Mais chacun y mettrait un soin particulier et un supplément d’âme afin que tout soit plus beau en vue du grand jour. Nous serons bientôt visités. Préparons nous. On saura dégager des temps particuliers pour la décoration à faire, n’hésitant pas à prendre sur son temps de repos ou de loisir.
Le temps de l’Avent nous annonce la venue du grand Roi. Le Seigneur des seigneurs, le Roi des rois est venu parmi nous il y a deux mille ans. C’était Noël à Bethléem en Judée au temps de l’empereur Auguste et du gouverneur Ponce Pilate. C’est Noël demain le 25 décembre 2025. Mais c’est Noël chaque jour du temps. Jésus est venu, Il vient aujourd’hui, et il viendra demain à une date que j’ignore pour me conduire auprès de Lui. Sans compter qu’Il viendra un jour du temps que tout le monde ignore pour achever toute la création et tout récapituler en Lui.
Avons-nous conscience, une conscience vive, que personne ne possède son passé et que nul ne possède son avenir ? Avons-nous conscience que nous n’avons qu’aujourd’hui pour vivre, rien qu’aujourd’hui. Aujourd’hui, chaque jour se joue la grande rencontre entre le Christ et chacun de nous. Chaque jour le Christ vient pour habiter nos vies, nos âmes, nos esprits et nos intelligences. Demain n’existe pas. Prévoir est raisonnable et responsable, mais s’enfermer dans ses prévisions est une illusion mensongère. Chaque journée est don de Dieu. Le temps est une créature que Dieu nous offre pour aller à sa rencontre et l’accueillir en notre jardin intérieur afin qu’il transfigure chacune de nos respirations et de nos activités. Que l’ouvrier tienne bien son atelier. Que le jardinier cultive bien son jardin et le boulanger œuvre bien pour son pain ! Mais qu’aucun de nous ne vive toute chose sans jamais oublier que ce peut être aujourd’hui le dernier jour de notre vie c’est-à-dire le premier jour de notre naissance éternelle. Car le Seigneur vient et il viendra, sans nul doute, me prendre auprès de Lui. Je ne sais ni dans quelles circonstances, ni à quelle heure, mais il est certain que cette vie sur terre finira avec la venue du Christ en moi pour naître éternellement à une éternité de bonheur.
Peu importe le nombre de mes années de vie si chaque jour est rempli à plein pour préparer la venue du grand Roi. Peu importe que je meure à cent ans ou à trente ans, si je peux dire au terme de ma vie que tout est accompli. À quoi pourrait bien me servir de nombreuses années de vie si au terme le Christ me trouve sans éclat et n’a pu trouver toute sa gloire en moi. Il est venu et mon village intérieur n’était pas prêt, affairé que j’étais à ma petite pratique religieuse dans mes petits intérêts du quotidien pour mon petit plaisir souvent partagé avec mon petit club de vie.
« En ces jours-là, avant le déluge, on mangeait et on buvait, on prenait femme et on prenait mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche ; les gens ne se sont doutés de rien, jusqu’à ce que survienne le déluge qui les a tous engloutis : telle sera aussi la venue du Fils de l’homme. Alors deux hommes seront aux champs : l’un sera pris, l’autre laissé. Deux femmes seront au moulin en train de moudre : l’une sera prise, l’autre laissée. »[1]
« Rien que pour aujourd’hui » ne cessait de répéter sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Je n’ai qu’aujourd’hui pour vivre. Ce sont mes décisions d’aujourd’hui qui prépare mon éternité. La plus importante de ces décisions c’est d’attendre et de vivre la venue du Christ aujourd’hui en ma vie. Le Christ est venu, il vient et il viendra. Me trouvera-il veilleur de Lui pour l’accueillir Lui ? Me trouvera-t-il pauvre de moi et de tout ce qui m’appartient pour n’être riche que de Lui ?
[1] Mt 38, 41