« Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité… » Si 3, 17
Homélie pour le 22° dimanche du temps de l’Église (C)
Frère Jean-Dominique Dubois, ofm
« Mon fils, accomplis toute chose dans l'humilité, et tu seras aimé plus qu'un bienfaiteur. » Voilà une maxime de sagesse, source de paix et de justice. D'où viennent en effet la plupart des conflits entre nous sinon de l'affrontement de nos egos. Forts des biens en notre possession nous n'avons de cesse d'en remontrer aux autres pour exister. Combien de fois dans nos conversations nous disons des « moi je... » ? Combien de temps partageons-nous notre vie sinon pour nous raconter en nous faisant valoir ? Notre souci premier est-il de mettre d'abord nos proches en valeur ? Notre préoccupation première est-elle de découvrir ce que l'autre a de beau et de bon pour l'en féliciter et lui donner d'augmenter sa mesure ? Nos amitiés les plus réelles, nos conversations les plus fraternelles, nos services rendus les plus ardents peuvent souvent cacher subtilement l'intérêt d'en tirer profit et d'avoir un retour. La gratuité du don nous échappe trop souvent. Donner d'une main pour recevoir d'une autre est plutôt notre quotidien. L'Évangile nous avertit de donner à qui ne peut nous rendre, de nous livrer à celui qui ne pourra jamais payer de retour.
Où donc est le secret de l'humilité ? Le sage nous dit qui si nous sommes de son parti nous serons aimés plus qu'un bienfaiteur. En effet l'homme humble rayonne comme un soleil. ll met en valeur les qualités et les savoir-faire de toutes les plantes. L'homme humble, par son action menée en toute équité, donne à ses proches de trouver leur place dans l'harmonie et la symphonie des instruments de tous. L'homme véritablement humble est aimé plus qu'un bienfaiteur car il vous touche sans jamais vous blesser. ll vous sert pour vous faire grandir. ll vous offre de vous recevoir vous-même comme un unique parmi des uniques. L'homme humble fait plus que donner, il vous fait naître à vous-même. C'est plus qu'un bienfait - un bien qu'il vous fait - il participe à la gratuité de Dieu qui nous a créés non pour son bonheur, mais pour que nous ayons la joie de partager sa joie d'aimer, c'est-à-dire en pure gratuité. L'homme humble vous fait entrer dans l'orbite de Dieu, dans la communion d'amour qu'est Ia Trinité Sainte, où rien n'appartient au Père, rien au Fils et rien à l'Esprit. La divinité circule en amour donné et rendu, au sein des Trois Adorables, sans jamais de regard sur soi, mais dans la pure joie de l'aimé.
Le secret de l'humilité est dans cette vérité toute simple. Nous sommes des débiteurs insolvables. [1] Tout ce que nous sommes, tout ce que nous avons reçu est pur don gratuit. Nous n'avons rien apporter en ce monde. Nous n'en emporterons rien. Nous sommes nés de l'amour, portés par l'amour pour aimer à notre tour. « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » dit l'évangile. [2] Le secret de l'humilité est dans la reconnaissance infinie que tout est don. C'est l'attitude d'âme foncière de la Vierge Marie qui sait en une conscience parfaite que tout ce qu'elle a reçu, comblée de grâces, lmmaculée Conception, elle le doit à son Fils Jésus par une grâce anticipée de sa Passion. La Vierge Marie a totale conscience qu'elle est la première des sauvés en ayant été gardé du péché des origines par la passion-résurrection de son Fils alors que nous en avons été sauvés par guérison.
Souvenons-nous de l'enseignement du sage. L'orgueil est la racine de tous nos péchés. La racine même du mal est en nous par l'orgueil. ll n'y a pas d'autre remède que l'humilité de Jésus dans sa passion. Un signe que je travaille à guérir de mon orgueil c'est que je sais reconnaître mes tords et en demander pardon. Oui l'orgueil est sans remède comme dit le sage, sauf si je trempe ma vie dans la passion du Christ pour faire pénitence et demander pardon. Cultivons la conscience qu'à chaque instant nous tenons la vie, le mouvement et l'être de Dieu, que nous ne pouvons rien faire qui ne nous soit donné à tout moment sinon par pur amour de Dieu. Nous n'avons aucun mérite en nos actions. Nous sommes de simples serviteurs faisant leur devoir avec Ia grâce de Dieu. Puisse Dieu trouver sa gloire en nous parce que nous lui rendrons tous les biens en servant et en louant sa bonté incommensurable à notre égard comme à l'égard de tous, particulièrement les petits.
[1] Cf la parabole des remises de dettes en Mt 18, 21-35
[2] Mt 10, 8