« Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » Lc 18, 8

Homélie pour le 29 dimanche du Temps de l’Église (C)

Frère Jean-Dominique Dubois, ofm

Jésus a peu enseigné sur la prière. Point de long discours de sa part. Seulement deux éléments essentiels quant à la nécessité de prier et quant au contenu de notre prière. Le premier enseignement est de persévérer dans la prière, toujours et partout. Le deuxième est de ne pas prier autrement que le Notre Père nous l’enseigne. Nous pouvons prier avec d’autres mots que le Notre Père, mais pas autrement. Une prière qui ne prend pas sa source dans le Notre Père n’est point chrétienne. Toute la vie de Jésus est une manifestation exemplaire de ce double enseignement. À lire intégralement les évangiles, particulièrement celui de Luc, on découvre Jésus qui ne cesse de prier tout au long des jours. Jamais Jésus n’entreprend une mission ou de faire du bien à une personne sans commencer par prier son Père. Dans son grand et dernier enseignement à ses disciples avant de mourir, Jésus manifeste à ses apôtres le contenu de sa prière. Ce sont les admirables chapitres de l’évangile selon saint Jean entre la résurrection de Lazare et la Passion, particulièrement le chapitre 17 dit de la prière sacerdotale. Le Notre Père est la prière de Jésus. La prière de Jésus avant sa passion est le déploiement de la prière chrétienne du Notre Père. Jésus ne prie pas autrement que selon le Notre Père.

La parabole du juge inique, qui rend la justice par défaut ou par dépit, nous est offerte en contrepoint, en contre-exemple, du visage du Père du ciel. Notre Père ne peut pas ne pas rendre la justice à chacun. Il le fera assurément nous dit Jésus, non comme le juge inique, mais par pur amour de son cœur de Père.

Le découragement, la lassitude, la prière en pointillé, comme la messe dominicale une fois de temps en temps, selon nos états d’âme, selon nos super occupations ou selon nos envies voire notre fatigue de paresseux, tout cela ne fait pas de nous des torches brûlantes de prière mais plutôt des loupiotes qui éclairent à peine les nuits de nos jours. Nous prions vite comme pour nous débarrasser de notre devoir de prière ainsi qu’on salue rapidement ses proches parce que nous sommes attendus par affaire plus urgente. Nous prions de façon très intéressée parce que nous prenons Dieu pour un supermarché aux rayons devant toujours être remplis de biens consommables immédiatement disponibles. Nous prions mal parce que nous ne sommes pas amoureux mais plutôt jouisseurs à l’exemple de notre société qui courent après la consommation à outrance… La vertu du temps long nous échappe parce que l’internet nous connecte tout de suite à tout et presque sans limite. Nous avons perdu le temps des longues maturations parce que nous ne travaillons plus la terre, sauf exception, pour comprendre les secrets de la vie. Nous sommes oublieux de l’histoire pour comprendre qu’il n’y a pas d’avenir sans enracinement dans les mémoires vives des longs siècles qui nous précédent.

Au siècle du tout, tout de suite, et du zapping en tout genre, Dieu, Lui, nous éprouve par sa patience. Patience veut dire passion, donc amour, et pâtir, donc souffrance. Point d’amour sans passion, point d’amour sans le fait de pâtir… Notre Père du ciel nous aime avec folie jusqu’à la Passion du Fils bien-aimé sur la croix. Donc, chaque fois que nous nous adressons à lui dans une prière persévérante et instante, croyons sans hésiter qu’Il nous exauce toujours puisque Jésus nous le dit : « Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Les fait-il attendre ?  Je vous le déclare : bien vite, il leur fera justice. »

Qu’est-ce donc que la justice de Dieu ? C’est sa miséricorde nous enseigne Jésus.

Si Dieu patiente pour exaucer ma prière, n’est-ce pas pour me purifier de mon égoïsme dans ce que je demande même de plus légitime. Qui peut prétendre à un amour parfaitement pure ? Donc à une prière pure. Dieu m’a exaucé, mais je ne suis pas prêt à recevoir l’objet de ma demande. Dieu est un bon vigneron qui, selon le dicton alsacien, tourne dix-sept fois autour du pied de vigne afin de lui faire produire un bon fruit.

Si Dieu patiente, parce qu’il est père, n’est-ce pas pour exaucer ma prière qui est brave, certes, mais mal orientée. Dieu prépare pour moi ce qu’Il a de meilleur au regard de ce que je demande. Je suis déjà exaucé mais pas comme je le demande, parce que Dieu sait ce qu’il y a de meilleur pour moi. Dieu est Père.

Si Dieu patiente c’est parce qu’il m’espère, non seulement pour cette terre mais pour l’éternité. Dieu veut me sauver, pour toujours, et m’introduire dans son ciel d’amour. Parfois il me laisse errer comme le chenapan qui a tout demandé de l’héritage à son père pour aller le dilapider selon ses vues à court terme et par pur égoïsme. Dieu est un père, un visionnaire qui voit loin et qui sait déjà comment d’un mal, si terrible soit-il, il va pouvoir tirer un plus grand bien pour le salut de mon âme, la chose la plus essentielle qui soit.

Parce que Dieu est père il vaut avoir besoin de nous. Dieu n’a pas voulu nous créer sinon en passant par l’amour de nos parents. Jésus ne se donne au monde qu’en s’étant remis à l’amour de son Église et de ses prêtres. Dieu ne se moque pas de nous. Il nous fait confiance. Dieu attend notre prière pour nous combler de ses biens. Dieu brûle de nous exaucer, mais pour qui le prenons nous ? Pour un juke-box qui délivre à volonté et à la demande, ou un cœur d’amour infini qui tisse la vie avec patience conduisant l’histoire avec une sagesse que les meilleurs gouvernants ne peuvent atteindre.

Voilà pourquoi Jésus s’interroge : « Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » Pour croire que Dieu est père, un père d’amour qui m’exauce toujours et au plus vite, il faut avoir beaucoup lu les écritures et avoir beaucoup prier. Il faut avoir beaucoup persévérer dans le silence et l’amour de Dieu en croyant de toutes nos forces que la patience de Dieu, le silence de Dieu, sont l’expression même de sa bonté laquelle me réserve toujours le meilleur de ce que je lui ai demandé. La patience de Dieu, c’est son amour même pour faire de ma vie une œuvre d’art. Qui ose croire en une telle paternité d’amour ? …

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“Pour obéir à la parole…” 2 R 5, 14