« Le désert et la terre de la soif, qu’ils se réjouissent ! » Is 35, 1

Homélie pour le troisième dimanche de l’Avent 5 (A)

Dimanche de Gaudete

Frère Jean-Dominique Dubois, ofm

 

Il est des jours qui ressemblent à des nuits profondes. Certaines époques doivent supporter des souffrances innommables. Quand soudain, une lumière illumine la nuit la plus noire. Ainsi le prophète Isaïe invite le désert et la terre de la soif à se réjouir. Le peuple d’Israël subit depuis quarante ans un terrible exil au bord des fleuves lointains de Babylone. Du pays de la promesse, des signes de l’alliance, il ne reste rien. Seules des terres désolées et quelques pauvres, soumis à l’oppresseur, tentent, malgré l’infortune, de cultiver la terre. Le retour d’exil n’est le privilège que d’une poignée de déportés. Nul triomphe pour eux, sinon la honte de se voir montrer du doigt comme les punis de l’histoire par leurs frères restés au pays. Tout est à rebâtir, sur un plan matériel et moral comme spirituel. Sur ces terres désolées et massacrées, la voix du prophète se fait entendre, proclamant une restauration intégrale. « Le pays aride, qu’il exulte et fleurisse comme la rose, qu’il se couvre de fleurs des champs, qu’il exulte et crie de joie ! La gloire du Liban lui est donnée, la splendeur du Carmel et du Sarone. On verra la gloire du Seigneur, la splendeur de notre Dieu. » [1]

Nous ne sommes plus en 538 avant Jésus Christ, mais en 1942. « Nacht und Nebel », « Nuit et brouillard », est un décret des autorités allemandes visant à éradiquer toute résistance à la domination nazie. Des dizaines de jeunes prêtres, de jeunes religieux et de jeunes laïcs, scouts ou jocistes pour la plupart, répondent à l’appel de l’archevêque de Paris. Mission, aller soutenir moralement et spirituellement les français de leur âge, obligés à travailler pour le troisième Reich. Ces jeunes chrétiens s’engagent volontairement dans le S T.O au risque d’être considérés par leurs proches comme des collaborateurs. Ils sont bien plutôt motivés pour le seul service de l’Évangile en vue de soutenir leurs concitoyens contraints à un travail qu’ils exècrent. Tous savent qu’ils risquent la mort. De fait ils seront exécutés, aussitôt leur mission clandestine découverte. Raymond Cayré, Gérard-Martin Cendrier, Roger Vallée, Jean Mestre et leurs 46 compagnons ont été déclarés Bienheureux dans la cathédrale de Paris, ce samedi 13 décembre 2025. Parmi eux, Joël Anglès d’Auriac, 21 ans, routier scout, qui, après avoir organisé un clan routier clandestin et pratiqué largement la charité pastorale, meurt par décapitation. Il fait de sa vie un sacrifice volontaire pour tous les siens, en réconciliation des crimes commis par un régime politique mensonger de terreur. Scout toujours prêt.  « Un Routier, qui ne sait pas mourir n'est bon à rien. » dira-t-il. Ses derniers mots sont pour le Christ, confession de foi chrétienne : "Lui seul est la vie réelle, le secret de la vraie joie. Vivez en contact perpétuel avec LUI et vous trouverez le bonheur vrai. »

 « En ce temps-là, Jean le Baptiste entendit parler, dans sa prison, des œuvres réalisées par le Christ. » [2] À l’époque de Jésus, tous les juifs sont dans l’attente de jours meilleurs. L’occupation romaine est pesante. De forts courants de pensée s’opposent au sein du peuple d’Israël. Tous espèrent dans l’attente messianique. Mais nul ne sait ce que sera ce temps, ni qui pourrait être le Messie ? Jean, le Baptiste a bien désigné Jésus, ce nouveau maître en Israël, comme étant celui qu’on devait suivre. Mais voilà que le prophète en prison, doute de lui et envoie des émissaires pour demander : « es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » [3] L'époque de Jésus est pleine d'incertitudes, lourde à vivre. Pour seule réponse à son cousin Jésus dit : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! » [4]

Mieux vaut allumer une lumière que de maudire les ténèbres, dit un proverbe chinois. L’époque actuelle est pleine de lourdes inconnues. L’horizon se charge de nuages bien sombres. Le Christ nous a promis d’être avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde. [5] Dieu ne peut pas se renier. À chaque époque, le Christ, envoie ses témoins et ses prophètes, tels Isaïe, Jean-Baptiste ou les martyrs du STO. Saint Paul proclame : « Le Christ au milieu de nous, l’espérance de la gloire. » [6] Toutes les époques, particulièrement quand il fait nuit, sont propices pour annoncer Jésus, « Lumière des nations et gloire d’Israël. » [7] Une seule question importe : sommes-nous prêts à accueillir le Christ dans notre vie personnelle au point de Le laisser nous transformer de l’intérieur et faire de nous ses messagers auprès des plus nécessiteux ? Sommes-nous prêts à livrer notre vie au Christ, jusqu’à la mort, pour témoigner qu’Il est « la joie que personne ne pourra nous ravir » ? [8]

[1] Is 35, 1-2

[2] Mt 11, 2

[3] Mt 11, 3

[4] Mt 11, 4-5

[5] Mt 28, 20

[6] Col 1, 27

[7] Lc 2, 32

[8] Jn 16, 22

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« Vient après moi un plus fort que moi… » Mt 3, 11