« Ceux-là viennent de la grande épreuve… » Ap 7, 14
Homélie pour la solennité de TOUS LES SAINTS
Frère Jean-Dominique Dubois, ofm
Qu’est-ce qu’un saint ? Quelqu’un de parfait, sans aucun défaut, et qui ne tombe jamais ? Non. Voyez saint Jérôme avec son mauvais caractère, saint François de Sales et ses colères rentrées, sainte Thérèse et sa susceptibilité d’enfant.
Qu’est-ce qu’un saint ? Quelqu’un aux charismes et talents extraordinaires accomplissant des œuvres à vous couper le souffle ? Non, voyez saint Nicolas de Gesturi, humble capucin sarde, que toute la population de Cagliari appelait frère silence, et tous ces saints inconnus qui sont au calendrier ayant mené une vie cachée comme le sel dans la soupe ou le levain dans la pâte.
Qu’est-ce qu’un saint ? Forcément, me direz-vous, un religieux ou une religieuse ! Non point si on en juge par le sainteté des parents de Thérèse de l’Enfant Jésus, le témoignage bouleversant de ces jeunes de notre époque : Chiara Badano, morte à 19 ans d’un grave cancer, Chiara Petrillo, mère de famille, Pier Giorgio Frassati et Carlo Acutis, jeune homme et jeune adolescent … Des jeunes d’aujourd’hui qui nous précèdent au ciel.
Un saint c’est une personne comme vous et moi, avec ses qualités et ses défauts, ses limites, ses réussites et ses échecs. Mais c’est un chrétien qui a pris au sérieux son baptême et les sacrements qui le nourrissent, conformément à la réflexion de Charles Péguy : « Il y a quelque chose de pire qu’une âme perverse, c’est une âme habituée. » Les démons ont la foi en Dieu ! Ils veulent nous inciter à être des saints, mais par nous-même. Le démon dit à Eve : le fruit est bon pour toi, prends le pour devenir comme Dieu. Or un saint c’est un débiteur insolvable, qui sait qu’il n’a en propre que ses péchés, car cela Dieu est incapable de le produire, et qui sait que tout le bien qu’il est ou qu’il fait est pure gratuité de la miséricorde divine. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » dit Jésus. [1]
Un saint c’est quelqu’un qui brûle d’amour pour Jésus parce qu’il a compris que Jésus le voulait beau, aussi beau que Lui, le Seigneur, en tout ce qui faisait sa vie d’homme ordinaire.
Un saint c’est quelqu’un qui a compris que le mal est en lui, pas seulement dans les autres, mais qui sait tout autant que la victoire du Christ est offerte par le baptême et les sacrements pour lui permettre de lutter contre toutes les tentations jusqu’à la mort.
Un saint c’est quelqu’un qui prie sans cesse, sans jamais se lasser, commençant par remplir son agenda de prière avant que de le remplir d’autres activités. « Seule la prière transforme le monde » disait Padre Pio.
Un saint c’est quelqu’un qui ne dit jamais « c’est mon tempérament… ou c’est ma nature » mais qui travaille sérieusement à se maîtriser en tout domaine pour faire de sa personnalité un être lumineux comme saint François de Sales, très colérique, devenu le doux saint François de Sales.
Un saint c’est quelqu’un qui chaque fois qu’il est tombé se relève en regardant le Christ par la prière, la pénitence et le sacrement du pardon.
Un saint c’est quelqu’un qui a compris que Dieu lui faisait confiance pour cultiver la terre avec ses talents et qui ne les enfouit pas dans une vie monotone, de confort égoïste pour lui et son clan.
Un saint, c’est quelqu’un qui ne passe pas son temps à critiquer ses proches, ne les jugent pas, ne dit pas de mal d’eux, mais qui croit que l’Évangile a été écrit comme s’il ne s’adressait qu’à lui-même d’abord, quelqu’un qui croit que sa conversion est la chose la plus importante pour transformer le monde.
Un saint c’est quelqu’un qui n’imite jamais les saints au risque d’imiter leurs défauts. Un saint n’est jamais la copie ou un clone d’un autre saint. Dieu a fait de chacun des enfants uniques de son amour unique.
Un saint c’est quelqu’un qui ne se croit jamais arriver, qui cherche sans cesse à laisser Dieu être Dieu dans sa vie, en l’écoutant toujours, en le priant toujours, en lisant toujours sa parole, en acceptant de mourir à lui-même pour que le Christ aime en lui, à travers lui, et par lui. Un saint est quelqu’un qui sait qu’il doit se préparer à la mort en mourant chaque jour à lui-même pour être prêt, s’il le faut, à donner son sang pour Jésus.
Les saints, nous dit saint Jean dans son apocalypse ce sont : « Ceux-là (qui) viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. » [2]
Ne pas vouloir être un saint c’est ne pas vouloir être chrétien, en oubliant que le péché ne rentre pas au paradis. Le péché est incompatible avec la sainteté de Dieu. Ne rentrent au paradis que des pécheurs pardonnés, des pécheurs parvenus à la sainteté par le sang de Jésus livré pour chacun de nous. Cela se joue avant la mort et non après. Choisissons d’être des saints avant de mourir. Être un saint c’est pour aujourd’hui, pas pour demain, car comme dit le curé d’Ars avec humour : « Demain on rase gratis… » Nous n’avons qu’aujourd’hui pour vivre et devenir des saints.
[1] Jn 15, 5
[2] Ap 7, 14