“Demandez et l’on vous donnera.” Lc 11, 9

Homélie pour le 17° dimanche du temps ordinaire (C)

Frère Jean-Dominique Dubois, ofm

Les villes de Sodome et Gomorrhe sont passées à la postérité. Par Georges Brassens, en sa chanson « Les copains d’abord » ou par nombres d’écrivains ces villes sont à jamais stigmatisées comme dépravées et disparues de la surface de la terre. Mais qui se souvient de la prière d’Abraham pour ces deux pauvres villes du Moyen-Orient ? Qui a la mémoire de ce « petit marchandage spirituel » de notre Père dans la foi ? Abraham rappelle à Dieu non seulement que sur cette terre de débauche il y a encore des justes. Il touche aussi son cœur de père qui doit et ne peut qu’avoir pitié de tous.

Dieu de tendresse et de miséricorde, lent à la colère et source de vie, c’est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob que nous confessons depuis des millénaires. Par toute sa vie et tout son enseignement Jésus Messie est venu faire « exploser » ce visage de tendresse de Dieu. « Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. » [1] « Je ne suis pas venu appeler des justes mais des pécheurs. » [2] Qui de nous ne s’est pas senti un jour un repéché de la miséricorde divine, un sauvé des eaux de l’égoïsme et de l’orgueil ? La paternité de Dieu n’a de puissance qu’en amour. L’enfer c’est l’homme qui le crée et qui s’y précipite. Non point le Seigneur qui veut sauver tous les hommes. Mais nul ne peut forcer l’amour…

Dans ce jeu de l’Alliance, c’est Dieu qui cherche l’homme plus que l’homme ne le cherche. Toute alliance sérieuse est tissée d’un profond respect de la liberté de l’autre comme de beaucoup de patience. En ce domaine de la patience nul d’entre nous ne pourra égaler le Seigneur de l’Univers. Dieu est source de tout don. Dieu ne cesse de donner. Il nous a tout donné en son Fils Jésus. Et nous les hommes nous avons si peu foi en Lui. Nous sommes si oublieux de Lui. Nous sommes si rapides à lui demander des grâces, des bénédictions, un peu comme des grigris de protection. Mais sommes-nous prêts à nous marier avec Lui, à lui offrir toute notre vie dans les moindres sentiers de nos routes humaines, à travers joies et peines ? C’est moins sûr.

Là n’est pas votre intention, Marie-Christine et Marc. [3] Voici quarante ans que vous avez lié votre vie l’un à l’autre dans le sacrement de mariage, dans la personne de Jésus. Quarante ans que vous vous donnez l’un à l’autre en vous donnant Jésus l’un par l’autre. Aujourd’hui vous êtes chacun tellement plus vous-mêmes grâce à l’autre et grâce à Jésus. C’est votre action de grâce. Le prix de votre engagement ce fut d’oser croire que seul le don irrévocable de vous-même, en tout et pour toujours, est le prix de l’amour véritable et de la joie vraie. Devenir ainsi soi-même pour la joie de l’époux, de l’épouse, des enfants et de tous les proches que l’on est appelé à aimer et à servir. Alors que de demandes ne vous êtes-vous pas formulées pour grandir en amour. Que de cadeaux ne vous êtes-vous pas faits en réponse pour le bonheur de l’autre. Mais ces demandes, pour être entendues et reçues, jamais elles n’ont dû manquer à quelques qualités. Permettez-moi d’en relever trois de ces qualités de l’amour qui demandent.

En tout premier lieu la vraie joie est de demander pour la joie de l’autre, pour sa joie à lui afin qu’il grandisse en sa beauté unique. Comme dans le Notre Père où nous ne commençons pas par casser les oreilles au Seigneur en lui demandant nos petites satisfactions personnelles. Que ton Nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Je demande que Dieu puisse trouver sa gloire en moi par toute la place que je vais lui faire dans ma vie et pour répondre à la moindre de ses volontés afin de faire sa joie, et non la mienne.

Ensuite une vraie demande en amour se formule en une attitude de pauvre. Pauvreté qui n’est pas misère humaine mais qui est la toute dépendance d’amour. Je demande en m’exposant à la bienveillance et à la charité de l’autre pour qu’il nourrisse en moi mon cœur d’amour, d’un amour qui dépasse ma volonté et surtout mes sentiments comme mes besoins les plus essentiels. N’est-ce pas ce qu’exprime ce « mon cœur » qui vous appelle l’un l’autre ? Comme dans le Notre Père où nous demandons le pain de chaque jour. Nous demandons à Dieu ce pain supersubstantiel qu’est l’eucharistie de son corps et de son sang pour aimer avec son cœur, pour aimer à égalité avec lui, pour aimer du même amour que lui.

Enfin rien n’est possible, nul ne peut aimer l’autre pour lui-même, ni le laisser nourrir son cœur pour aimer d’un seul cœur avec lui, si le pardon, la miséricorde, la réconciliation ne viennent pas laver, purifier les faux pas et les erreurs d’amour. Rien ne peut se faire en amour sans entrer dans le combat spirituel pour fuir toute tentation d’égocentrisme, d’orgueil stupide et de toute puissance démoniaque. Comme dans le Notre Père où nous demandons : « Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes, nous pardonnons aussi à tous ceux qui ont des torts envers nous. Et ne nous laisse pas entrer en tentation. »

En amour on peut tout demander à celui qui nous aime et que nous aimons. Mais on ne peut rien demander sans quelques qualités fondamentales, pour l’autre avant tout, en pauvreté de cœur et dans la miséricorde.

Dieu n’est que don. Dieu le Père tout puissant ne sait faire qu’une seule chose : donner tout l’amour qu’il est et nous combler. Abraham commençait à le comprendre. Il était plein d’audace pour demander le salut de Sodome et Gomorrhe. Chrétiens nous devrions le comprendre puisque Dieu n’a pas refusé de nous donner son propre Fils. Marie-Christine et Marc vous êtes venus rendre grâce aux donateurs de tout amour de votre amour. Bénis soyez vous. Nous tous frères et sœurs bien-aimés ne nous moquons pas de l’Amour qu’est Dieu. Cherchons avec ardeur, en le priant, sa Gloire dans la pauvreté du cœur et dans la miséricorde. 

[1] Jn 10, 10

[2] Mc 2, 17

[3]  Noces d’émeraude

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« Apprends-nous la vraie mesure de nos jours … » Ps 89, 12

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