
Pourquoi la guerre ? « C’est à moi que vous l’avez fait. » Mt 25, 40
Pourquoi la guerre ? Pourquoi les leçons de l’histoire ne sont-elles jamais reçues à la hauteur des massacres engendrés ? Pourquoi la guerre puisqu’il faut toujours en finir par un compromis de paix à moins que ce soit par l’éradication complète d’un peuple ou d’une nation ?
La tragédie de 14-18 n’a point évité celle plus grande encore de 39-45. Les morts par milliers en chaque bataille, la puanteur des cadavres en décomposition, les soldats blessés qui hurlent leur souffrance, la boue et la mitraille des tranchées, les gaz dévastateurs qui ravagent l’âme à l’avance dans la peur de mourir miné de l’intérieur. Rien n’a servi à nous enseigner. Vingt ans plus tard les tueries de masse redoublent d’intensité. La science vient à la rescousse et rajoute dans l’horreur : les massacres à grande échelle, les camps d’extermination où le gaz zyklon élimine des populations entières, les tapis de bombe sur tant de pays jusqu’à Hiroshima et Nagasaki, bombes toujours plus ravageuses faisant des millions de morts, de veuves et d’orphelins, d’estropiés à vie, de gueules cassées et de vies brisées…
Pourquoi les guerres ne nous enseignent-elles pas ? Durant la guerre froide l’humanité a accumulé un arsenal nucléaire capable de faire sauter plusieurs fois la planète… Pourquoi tous les pares-feux créés après-guerre n’ont-ils pas empêchés tant de conflits ? Que deviennent les organisations internationales impuissantes face à l’actuelle recomposition explosive de la géopolitique ? Qui nous gardera d’une nouvelle éruption guerrière dont nul ne sait s’il en ressortira vivant…
Pourquoi la guerre est-elle toujours de retour ?

« Tu aimeras Dieu… et ton prochain comme toi-même » Mc 12, 29
Nous le savons fort bien. Notre devoir de chrétien c’est la charité. Aimer Dieu et son prochain, voilà toute la loi et les commandements. Nos chansons crient toutes l’amour, le besoin d’être aimé et d’aimer. Jamais sur la même musique ou les mêmes modalités mais toutes s’accordent pour dire que l’homme sans amour est un homme mort.
Quelle est donc la musique chrétienne de l’amour ?
Voici un scribe visiblement séduit par Jésus et son enseignement, par son fabuleux comportement, comme sans doute par sa réputation si pleine de bonté et de miséricorde pour les pécheurs.

« Ils ont lavé leurs robes … par le sang de l’Agneau. » Ap 7, 14
Que dire de cette fête de la Toussaint quand s’entrechoquent, dans nos esprits et dans nos rues, tout à la fois, l’annonce d’un jour férié traditionnellement lié à la fête de tous les saints, une journée dédiée à nos morts et aujourd’hui la résurgence envahissante de la fête d’Halloween ? Que dire et que penser ? Où sommes-nous ? Où en sommes-nous ?...
Chacun répondra en fonction de ses convictions mais la foi de l’Église ne se négocie pas. La foi de l’Église c’est la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, soit Jésus Christ lui-même dans ce qu’Il nous a révélé de Dieu son Père et de l’homme quant à sa destinée.

« Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes,il se chargera de leurs fautes. » Is 53, 11
Les mots du prophète ont quelque chose de scandaleux. Comment Isaïe peut-il mettre sur les lèvres de tout un peuple que La souffrance de celui-ci a quelque chose de noble, au point de valoir le salut du monde entier ? Tels sont les chants du Serviteur, qu’on lit particulièrement durant les jours de la Passion avant de célébrer Pâques.
Israël vient de vivre une terrible catastrophe. Nous sommes au début du 6° siècle avant Jésus-Christ. La disparition de son royaume, l’exil sur une lointaine terre étrangère, la fin du culte au temple de Jérusalem, le massacre de toutes les élites qui n’ont pas été déportées. Depuis des siècles le contrat d’Alliance entre Dieu, le Saint béni soit-il, et son peuple est le suivant : si tu es fidèle tu auras la vie et le bonheur. Si tu ne suis pas les voies du Seigneur ce sera le malheur et la mort. Tel est l’enseignement du deutéronome. Depuis sa naissance le peuple confesse le caractère unique de ce Dieu Unique, car ce dernier s’est fait reconnaître en ne voulant que le bonheur de son peuple. Le drame de l’Exil à Babylone oblige le peuple à faire son mea culpa pour regarder en face la longue histoire de ses infidélités.

« Il s'est abaissé…. jusqu'à la mort sur une croix. » Ph2.8
« Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne tint pas comme une proie d'être en égalité avec Dieu. Mais il s'est vidé lui-même, prenant forme d'esclave, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s'est abaissé, devenant obéissant jusqu'à la mort, et la mort sur une croix. » Phi2,6-8 Nos premiers frères chrétiens chantait cette hymne liturgique. La prière dit notre foi. Notre foi s'exprime dans la prière. Prendre la mesure de telles paroles est une folie. Qui le peut vraiment ? Font écho à cette strophe chrétienne tant d'autres paroles de l'Écriture. « En effet, puisque le créateur et maître de tout voulait avoir une multitude de fils à conduire jusqu'à la gloire, il était normal qu'il mène à sa perfection, par la souffrance, celui qui est à l’origine du salut de tous. » He 2,10 L'oraison de cette fête, quant à elle, l'exprime avec force, disant : « Tu as voulu, Seigneur, que tous les hommes soient sauvés par la croix de ton Fils... » Comment donc connaître un tel mystère, ainsi que le demande cette oraison ? Car affirmer que la croix est le chemin de la gloire, affirmer que la souffrance volontaire mène au salut, confesser que le plus sadique et le plus horrible des supplices que l'homme n'ait jamais inventé, soit le trône de la gloire pour Dieu comme pour ses enfants les hommes, n'est-ce pas, plus qu'une gageure, une imposture ? Le Seigneur Jésus dit un jour à la vénérable Marthe Robin : « Achète les âmes par le silence et le secret de la souffrance. » Paroles divines qui nous mettent sur la route d'une véritable connaissance de ce mystère inouï de la Croix glorieuse. Deux termes qui ne sont pas contradictoires, mais paradoxaux.

Il fait entendre les sourds et parler les muets. Mc 7, 37
La guérison d’un sourd-muet en pleine terre païenne est éclatante. Non seulement le malheureux handicapé retrouve la parole, mais la foule elle-même proclame la merveille : « Il a bien fait toutes choses. Il fait entendre les sourds et parler les muets. » (Mc 7, 37) Et nous, comment réagissons-nous face à de tels miracles ? Est-ce une histoire merveilleuse pour un passé lointain qui ne nous concernerait plus ? Une histoire réservée au temps de la fondation de l’Église par Jésus ? Est-ce l’annonce de fait merveilleux réservés à un petit nombre d’handicapés, petits privilégiés du Seigneur, marqueurs d’une religion des pauvres et des petits, dont quelques rares personnes accéderaient à un bonheur échappant à la plupart d’entre nous ? Suivre de telles pensées est une fausse route.
Par de tels miracles Jésus nous annonce à tous la Bonne Nouvelle du salut.

Vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes. » Is 8, 6-7
En cette période estivale des moissons qui s’achèvent, voici que notre fête patronale de Donnenheim marque la rentrée des activités autres qu’agricoles. Tradition de la fête de saint Bernard, au calendrier le 20 Août. Le saint patron de notre paroisse veille sur tout et sur chacun de nous dans les heures grandes ou petites, joyeuses et douloureuses. Il est bien juste de l’honorer aujourd’hui et de fêter en son honneur.
Tradition oblige. Ce mot tradition nous l’employons souvent et pour beaucoup de réalités. Dans la liturgie de la messe, dans le déroulement de l’année, au village ou en famille, à la question de savoir « pourquoi fait-on cela ? », ou « comme cela ? », nous répondons la plupart du temps : « c’est la tradition ». Et si d’aventure quelqu’un voudrait changer de manière de faire on lui répond trop souvent : nous avons toujours fait comme cela. La tradition semble immuable et solide comme un roc que rien ni personne ne peut et ne doit changer.

« On mangera, et il en restera » 2 R 4, 43
Manger et boire. Un toit pour dormir et vivre en convivialité. Une terre à cultiver. Des frères et des amis pour assurer sa sécurité. Autant de besoins vitaux d’une vie d’homme. Dieu l’a voulu ainsi, nous manifestant son amour et nous rendant solidaires les uns des autres. L’amour est dans l’échange des biens culturels matériels et spirituels, lesquels assurent notre vie, parfois notre survie. Sans échanges culturels pas de vie digne de ce nom.
À leur début, les hébreux sont de pauvres nomades, ou semi-nomades, qui errent pour leur survie entre la grande région des fleuves de Chaldée, et la région du Nil. Est venu le temps où, entre Babylonie et Égypte, les hébreux reçoivent une terre à cultiver. Terre promise qui est don de l’auteur de tout bien, le Seigneur la vie en totale gratuité. Ni chars, ni cavaleries, ni stratèges géniaux. La confiance pour toute arme. La foi, chevillée au cœur. Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob pour toute protection. La foi au Dieu briseur de guerre forme et unit le peuple d’Israël. Israël, le plus petit de tous les peuples, établi au carrefour des nations, confesse le Dieu de la vie et de la surabondance de la vie. Le Dieu Unique est son âme.
Quel malheur pour vous, pasteurs ! Jr 23, 1
« Quel malheur pour vous, pasteurs ! Vous laissez périr et vous dispersez les brebis de mon pâturage. » (Jr 23, 1) Nous sommes à la terrible époque de l’exil à Babylone. Le prophète fustige les pasteurs d’Israël. L’avertissement est sévère pour les chefs du peuple élu. Il ne nous est pas difficile de transposer l’avertissement. D’abord pour nous, les ministres de l’Église. Nous aurons des comptes à rendre quant aux soins du troupeau qui nous a été confié.

Par de nombreuses paraboles Jésus leur annonçait la Parole Mc 4, 33
Pourquoi donc Jésus parle-t-il en paraboles ? Récits énigmatiques autant qu’imagés les paraboles de Jésus suscitent parfois plus de questions qu’elles ne semblent en résoudre. La perle ou le trésor caché pourraient être la base de bien des contes d’enfants ; le semeur qui sème contre toutes les lois de l’agriculture ; une graine de sénevé qui ne donne pas plus en hauteur qu’un arbuste ; un père prodigue qui reçoit le fils dépensier et débauché contre toutes les lois de la morale et de l’économie domestique… Tant de contradictions, ou plutôt de paradoxes heurtent notre sensibilité, nous déroutent, particulièrement nous les enfants de Descartes, les héritiers du rationalisme orgueilleux du 19 ° siècle, bien que nous soyons des enfants de l’Évangile.
« Mon royaume n’est pas de ce monde » dira Jésus à Pilate. Le royaume des cieux n’est pas à identifier avec les royaumes ou les régimes politiques de ce monde. Les royaumes terrestres ont à faire avec le royaume des cieux mais ils ne sont pas ce royaume du Seigneur.

Il n’aura jamais de pardon
« Si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, il n’aura jamais de pardon » (Mc 3, 29) Parole étonnante de Jésus, dure même, qui contraste avec ce que nous avons l’habitude de penser du Christ, notre Seigneur et Maître. La tendance actuelle de nos communautés chrétiennes est plutôt à dire que tout le monde ira au paradis. Plus d’enfer, ni de purgatoire… Sans doute qu’une racine de ce courant de pensée est dans la crise profonde d’autorité que nous vivons en Occident, mais pas seulement…
Quoiqu’il en soit, la parole est sans appel. Pour Jésus il y a bien une possibilité de se damner éternellement. La première prière eucharistique, l’antique canon romain, prie ainsi : « Assure toi-même la paix de notre vie, arrache-nous à la damnation éternelle et veuille nous admettre au nombre de tes élus. » D’autres épisodes de l’Évangile, tel le tableau du jugement dernier en saint Matthieu, parlent de cette possibilité réelle de se damner pour toujours.

“Nous les entendons proclamer les merveilles de Dieu.”
Qu’est-ce qu’un chrétien ? Que répondriez-vous à cette question d’un voisin qui vous interpelle et qui ne connaît rien de la foi chrétienne ? Des valeurs ? Des vérités à croire ? Être membre de la communauté de Jésus Christ ? Assumer telle ou telle fonction dans l’Église ou encore pratiquer tous les dimanches à la messe ? … Qui de nous répondrait : être serviteur de l’Esprit Saint ?...
« Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. » Mt 7, 16

“Celui qui croit en moi fera de plus grandes œuvres.” Jn 14,12
« Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je pars vers le Père. » Voilà bien qui fait rêver, chers frères et sœurs. Quel est l’enfant qui ne rêve pas d’arriver à faire de grandes choses. Il n’y a rien sans doute de plus terrible que d’empêcher un enfant de rêver quant à ce qu’il voudrait faire de sa vie. Dieu est grand. Dieu nous a créé pour de grandes choses. L’homme, depuis les origines, n’a cessé de grandir dans la conscience de sa vocation pour imaginer des choses toujours plus grandes à réaliser en vue de devenir lui-même. Si l’homme semble aujourd’hui dépasser par ses découvertes et leurs conséquences probables pour l’humanité, nul ne doit douter que l’homme est destiné à être grand. Dieu créa l’homme à son image et ressemblance, homme et femme il les créa, avec cette mission admirable de cultiver et de « cultuer » la terre. Dieu fait les créatures se faire, disait le père Teilhard de Chardin.

Je vous laisse la paix
L’armistice est signé. S’achèvent cinq années terribles de guerre et de massacres en tout genre, (…) Des morts par millions… Des populations déplacées. Des familles brisées. L’holocauste le plus sanglant de l’histoire découvre son ampleur et son horreur… (…) Le 20 siècle n’a cessé de monter dans l’horreur de la guerre. (…) Bâtir notre vie commune sur la planète terre dans la justice et dans la paix est un devoir sacré auquel nul ne peut se dérober. (…) La paix commence en famille et dans chacune de nos communautés de vie. De la paix du monde, nous sommes tous responsables suivant la belle maxime de ce grand saint orthodoxe russe, saint Séraphin de Sarov : « Trouve la paix et des milliers autour de toi trouverons le salut. » Car disait les anciens : « une âme qui s’élève élève le monde. »

Au commencement était le Verbe
« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement tourné vers Dieu. Tout fut par lui, et rien de ce qui fut, ne fut sans lui. » Dieu a parlé en créant. Dieu a parlé au cœur de l’homme par les patriarches et les prophètes. Nous sommes une religion de la Parole, plus qu’une religion du livre. Souvenons-nous du cri de Job. Nous sommes nés dans la parole pour parler d’amour entre amis, entre époux, pour parler en vis-à-vis de Dieu comme Moïse dans la nuée lumineuse. Job confesse qui est Dieu et qui est l’homme. Job confesse que Dieu a fait l’homme pour lui et que l’homme est fait pour Dieu comme la fiancée est pour sa fiancée. Et Dieu se tait ! … Job crie. Il veut inscrire son cri sur la pierre dure afin que toutes les générations le sachent. Job, c’est Israël tout entier, c’est vous, c’est moi. Nous pleurons souvent de ce que nous avons perdu des biens de la terre ou de nos richesses humaines, mais pleurons-nous de ce que Dieu ne nous dit rien, ne nous parlent plus. Nous avons souvent peur de Dieu. Nous n’osons pas crié comme Job, non pour demander des comptes à Dieu, mais pour parler avec Lui comme le Bien-aimé de notre âme, dont la Parole d’amour est plus précieuse que tous les biens.
Mystère gardé dans le silence depuis toujours
« Alors qu’un silence paisible enveloppait toutes choses et que la nuit parvenait au milieu de sa course, ta Parole toute-puissante s’élança du trône royal … » dit le livre de la sagesse 18, 14-15 Le silence peut être redoutable. Silence de la nature, annonciateur d’une catastrophe, marqué par le comportement des animaux. Silence de la mort d’un être cher. Silence qui précède de grands événements, tournant de l’histoire. Cette nuit-là, en 1914, les soldats français n’entendent plus que silence après la mitraille. Stille Nacht, seul ce doux chant se fait entendre depuis la tranchée d’à peine quelques mètres plus loin. Silence de Noël. Les ennemis font la trêve. Ils chantent l’Enfant-Dieu. Les uns et les autres osent la sortie, sans armes, et chantent. Les chefs puniront. La guerre reprendra. Nous connaissons trop bien la suite.